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Où se cachent les réseaux de santé ?

Le travail en réseau est devenu clé dans notre système de santé. Pour 81 % des internes, il est fondamental de pouvoir s’appuyer sur un réseau de professionnels de santé présents sur leur territoire [1].

Toutefois, cette notion de travail en réseau (en santé) a mis beaucoup de temps à se définir et continue toujours et encore à évoluer sous des acronymes différents. Comment s’y retrouver ?

Un peu d’Histoire

Les dispensaires, des réseaux ?

Les premières expériences de travail en réseaux en santé remonteraient au début de la Première Guerre Mondiale. À cette époque, la tuberculose causait près de 150 000 décès par an et les contaminations étaient accentuées par la guerre. Pour faire face à ce fléau, des dispensaires, composés de médecins et d’infirmières, ont été mis en place, ils jouaient un rôle d’orientation dans la prise en charge des patients [2][3][4].

Les dispensaires assuraient à la fois un diagnostic précoce de la maladie, un suivi épidémiologique, mais également procuraient les soins, gratuitement, aux patients contaminés. Ils orientaient les patients les plus graves vers l’hôpital pour recevoir des soins spécialisés. Un travail de prévention et d’éducation était également réalisé par les infirmières. Ce dispositif a disparu en même temps que la maladie et avec l’apparition de la sécurité sociale [2][3][4].

Les Réseaux Sanitaires Spécialisés

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour faire face aux « fléaux médico-sociaux », l’Etat développent des « Réseaux Sanitaires Spécialisés » (RSS) gérés par les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS). Ces réseaux ont été mis en place pour prendre en charge les maladies vénériennes, l’alcoolisme, le tabagisme, etc. Par manque de financement, ces réseaux n’ont pas réussi à se développer [4][5].

Les premiers « réseaux ville-hôpital »

Il faut attendre les années 80 pour que les réseaux de santé finissent par percer. A cette période, notre système de santé est totalement bouleversé suite à l’apparition du Sida. Les patients atteints par le VIH doivent interagir avec de nombreux interlocuteurs or à cette époque la coordination médico-sociale et la continuité des soins hôpital-ville n’existaient pas. Des associations de patients se sont alors emparées du problème et ont permis la création de « réseaux ville-hôpital » pour aider à la prise en charge des patients atteints du VIH. Ces réseaux avaient pour objectif de coordonner l’activité entre les professionnels de l’hôpital et les professionnels de santé en ville (médecins, paramédicaux et sociaux). Toutefois, ces réseaux restaient informels, peu pérennes et sans règlementation [4][5].

C’est en 1991 que les réseaux ville-hôpital, dédiés à la prise en charge des séropositifs, ont clairement été définis dans une circulaire émanant de la Direction Générale de la Santé et de la Direction des Hôpitaux [6]. Leur développement est alors assuré par la loi du 31 juillet 1991 qui introduit les financements « mixtes », apportés par l’État et l’assurance-maladie [4][5].

Dès lors, des réseaux se sont créés autour d’autres pathologies et thématiques de santé (toxicomanies, hépatite C, périnatalité, cancérologie, diabétologie, soins palliatifs, santé-précarité, …) [4][5].

Vers une définition légale des réseaux de santé

En 1996, les ordonnances Juppé soulignent l’insuffisance de prise en charge dans de nombreux domaines, et la nécessité de décloisonner le système de santé et donnent un cadre légal aux réseaux en distinguant deux catégories [7]:

  • les réseaux de soins du Code de la santé publique : ces réseaux sont des réseaux ville-hôpital, appelés « Réseaux hospitaliers / Réseaux de soins ».
  • les réseaux de soins expérimentaux du Code de la sécurité sociale, les réseaux Soubie, centrés sur des pathologies spécifiques.

Finalement, en 2002, le législateur donne une définition unifiée des réseaux dans la loi Kouchner [8]: 

« Les réseaux de santé répondent à un besoin de santé de la population, dans une aire géographique définie, prenant en compte l’environnement sanitaire et social. En fonction de leur objet, les réseaux mettent en œuvre des actions de prévention, d’éducation, de soin et de suivi sanitaire et social. »

(article D6321-1 du Code de la santé publique).

Leurs missions ont été confirmées en 2010 avec la loi HPST du 21 juillet 2009.

Des réseaux de santé vers l’imbroglio des soins coordonnés

Sur vingt ans d’existence, des réseaux se sont développés dans de nombreux domaines aussi bien pour aider à la prise en charge des pathologies chroniques (sida, cancer, diabète, etc.) mais aussi des populations complexes (personnes âgées, adolescents en difficulté, personnes en fin de vie, etc). Ainsi, en 2011, 716 réseaux de santé étaient comptabilisés [9].

Les réseaux de santé participent au lien entre la ville et l’hôpital, ils jouent un rôle pivot dans l’organisation et la coordination des soins sur les territoires.

Toutefois, leur bilan est très controversé, les principaux reproches qui leur sont faits sont leurs faibles visibilités et la grande hétérogénéité dans leur activité.

En parallèle du déploiement des réseaux de santé, les pouvoirs publics ont encouragé le développement d’autres dispositifs de coordination des parcours complexes, créant ainsi un vrai imbroglio.

En plus des réseaux de santé, de nombreux autres dispositifs co-existent. En voici quelques-uns :

  • les MAIA (Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’Autonomie) ont pour vocation de simplifier et optimiser le parcours des personnes âgées, notamment en mobilisant et en organisant le travail de l’ensemble des différents acteurs de la santé sur un territoire donné [10].
  • les CLIC (Centres Locaux d’Information et de Coordination gérontologique), guichets d’accueil de proximité dédiés aux personnes âgées, introduits notamment pour aider les patients et leurs proches ou les professionnels de santé à identifier les réseaux gériatriques localement [11].
  • les PRADO (Programme d’Accompagnement au Retour à DOmicile) pour la sortie des établissements de santé, programme soutenu par la CNAM.
  • les CTA (Coordination Territoriale d’Appui), plateformes d’information et d’accompagnement des professionnels, des personnes âgées et de leurs proches, offrent un service de guichet unique pour orienter vers les ressources sanitaires, médico-sociales et sociales du territoire. Les CTA s’appuient sur les structures préexistantes sur les territoires : CLIC, MAIA, réseaux…[12]
  • Les CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé), initiées en 2016 et reprises par le plan santé 2022, ont pour objectif de regrouper des professionnels de santé d’un même territoire, autour d’un projet médical et médico-social commun.

Ainsi sur un même territoire, plusieurs dispositifs peuvent venir en appui des parcours de santé de la population sur des problématiques différentes. C’est le cas des réseaux de santé, des MAIA, des CLIC et des CTA.

Il devient alors difficile de s’y repérer, c’est pourquoi ces dispositifs sont souvent sous-utilisés et méconnus par les professionnels en ville. Par ailleurs des luttes de pouvoir entre gestionnaires concurrents ont conduit à une inefficacité et une inégalité du service rendu aux personnes [13]. Pour parer à ces problèmes, l’Etat a créé un nouveau service, les PTA (Plateformes territoriales d’appui).  Introduites par la loi de modernisation de la santé en 2016, les PTA sont dédiées aux professionnels de santé pour rendre l’offre de soins plus lisible. Elles ont pour objectif d’aider les professionnels à gérer des situations complexes et organiser le parcours de santé, et ce, quels que soient l’âge et la pathologie du patient. Ces PTA sont les portes d’entrée uniques à la coordination des soins et orientent ensuite vers le réseau de santé adéquat, les MAIA, CPTS…[14]

Les PTA, en cours de déploiement, ne répondent pas aux attentes, de la nouvelle stratégie nationale, qui cherche à « simplifier et faire converger les dispositifs d’appui à la coordination territoriale » ainsi les « MAIA », « CTA », « CLIC », « PTA » et réseaux sont amenés à s’unifier en un seul dispositif : le dispositif d’appui à la coordination (DAC) [15]. Les DAC définis dans la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019, s’adressent aux professionnels de santé, ainsi qu’aux patients et à leurs proches, quels que soient la pathologie ou l’âge de la personne [16].

Les DAC se placent comme les interlocuteurs privilégiés des professionnels de santé faisant face à des situations complexes. Ils ont pour ambition d’apporter des réponses concrètes et un appui pratique aux professionnels comme aux patients, quel que soit son niveau de complexité à appréhender : polypathologies, grand âge, handicap, risque social, etc. Les DAC viennent en aide à tous les professionnels du territoire :

  • des professionnels de santé de ville, libéraux ou salariés
  • des personnels des établissements de santé publics, privés et HAD
  • des professionnels de l’ensemble du champ social et médico-social [15]

Les DAC peuvent également interagir avec les patients et de leurs aidants pour fluidifier leur parcours en apportant une réponse coordonnée à l’ensemble de leurs besoins [15]. Espérons que cet ultime dispositif soit le bon et qu’il puisse enfin apporter le soutien espéré aux professionnels de santé et qu’il donne plus de visibilité à l’offre de soins pour l’ensemble des acteurs.

En résumé

Les réseaux de santé ont mis du temps à s’installer dans notre système de santé, depuis, l’exercice coordonné ne cesse de se développer mettant en péril l’avenir des réseaux de santé initiaux. Pourtant, les réseaux de santé sont devenus essentiels aujourd’hui. Les pouvoirs publics s’appuient sur eux pour promouvoir la coordination des soins, comme les plans cancer ou encore pour la prise en charge des personnes âgées, le développement des soins palliatifs,…

Depuis leur création, les réseaux de santé ont dû s’adapter aux différentes réformes, s’intégrer dans les différents dispositifs mis en place. Ainsi, de nombreux réseaux ont été intégrés dans des PTA, conduisant à la refonte du réseau initial. Les DAC ont également besoin de s’appuyer sur les réseaux existant pour réussir leurs missions. Les réseaux ont développé une expertise essentielle pour assurer la coordination de tous types de parcours. Ils vont peut-être fusionner entre-eux, changer de noms, mais leur disparition totale semble peu probable, car ils sont devenus des piliers dans l’organisation des soins.

La plus grande des difficultés rencontrées par les professionnels de santé, c’est d’identifier et trouver ces réseaux. Le DAC de votre territoire devient l’interlocuteur à contacter pour trouver les réseaux qui vous intéressent et à défaut de DAC, peut-être se rapprocher de votre PTA. Tous ces dispositifs sont gérés par les ARS…ce n’est toujours pas très clair, mais cela est transitoire, nous l’espérons.

Sources

[1] Mathieu BOULANGER. Facteurs pronostiques de réussite des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles en Occitanie – Une étude quantitative. 2020

[2] Vinas P. « De la tuberculose aux ordonnances de 1996», Dans la revue ADSP, n° 24, septembre, p. 13-14. 1998

[3] Bonafini P., « Réseaux de soins : réforme ou révolution ? », Revue Politique et Management Public, vol. 20, n° 2, juin, p. 1-22. 2002

[4] C. Bruyere. Les réseaux de santé en France : de la compréhension d’une nouvelle forme organisationnelle des soins à la construction d’un modèle de management paradoxal. Gestion et management. Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II, 2008. Français. fftel-00519665f

[5] Sofia Taverne. Réseaux de santé et travail en coordination : quelle place pour les médecins généralistes de l’Hérault ?. Médecine humaine et pathologie. 2019. ffdumas-02733211

[6] Circulaire DH/DGS n°612 du 4 juin 1991 relative à la mise en place des réseaux ville-hôpital dans le cadre de la prévention et de la prise en charge sanitaire et sociale des personnes atteintes d’infection à VIH

[7] Ordonnance no 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée

[8] Code de la santé publique : Chapitre Ier : Réseaux de santé (Articles L6321-1 à L6321-2)

[9] Ministère des solidarités et de la santé, Les réseaux de santé, consulté le 12/05/2021, https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/structures-de-soins/article/les-reseaux-de-sante

[10] MAIA, Tarn et Garonne, consulté le 12/05/2021, https://www.personnes-agees-tarn-et-garonne.fr/la-demarche-maia-methode-daction-pour-lintegration-des-services-daide-et-de-soins-dans-le-champs-de#:~:text=MAIA%20est%20une%20m%C3%A9thode%20d,d’aide%20et%20de%20soins.

[11] Portail national d’information pour les personnes âgées et leurs proches, consulté le 12/05/2021, https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/a-qui-s-adresser/les-points-dinformation-locaux-dedies-aux-personnes-agees

[12] Ministère des solidarités et de la santé, consulté le 12/05/2021, Les outils de coordination https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/le-parcours-sante-des-aines-paerpa/article/les-outils-de-coordination

[13] Me Camille Faour, site internet d’un cabinet d’avocats « HOUDART et associés », QU’EST-CE QUE LES DISPOSITIFS D’APPUI À LA COORDINATION ?, Article rédigé le 18 février 2020, consulté le 12/05/2021, https://www.houdart.org/quest-ce-que-les-dispositifs-dappui-a-la-coordination-dac/

[14] Ministère des solidarités et de la santé, Plateformes territoriales d’appui – PTA, consulté le 12/05/2021, https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/plateformes-territoriales-d-appui/pta

[15] Stratégie nationale de Santé 2018-2022 (p. 50), https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_sns_2017_vdef.pdf

[16] Ministère des solidarités et de la santé, Plateformes territoriales d’appui – PTA, consulté le 12/05/2021, https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/cooperations/DAC 

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